Moralement correct par Jean SEVILLIA

Publié le par Café Bleu

« Peut-on vivre sans valeurs partagées ? »
Conférence de Jean Sévillia,
journaliste et écrivain, suite à la parution de son livre
Moralement correct
(2007, Librairie Académique Perrin, 217 pages)
le 28 septembre 2007 à la Roche-sur-Yon (Vendée)

Ce compte-rendu est une libre initiative du Café Bleu et est publié avec l'accord de  Monsieur Jean SEVILLIA.
Chaque période croit être le moment charnière où l'on change de valeurs, où les valeurs se perdent, donc la notion de changement ou de perte des valeurs est relative...
 
Cependant, depuis quarante ans, la triple révolution qui s'est opérée a bouleversé maints repères ancestraux.
En effet, la révolution est sociologique: révolution sociale avec l'urbanisation, le
développement de la société de consommation, révolution des moeurs – de multiples exemples pourraient être donnés –, révolution religieuse avec le grand mouvement de sécularisation (actuellement il n'y a plus que 5% de « messalisants », c'est à dire de Catholiques allant à la messe).
La révolution est politique comme en témoignent la crise de l'Etat-nation, cette notion ne recouvrant plus la même réalité qu'il y a quarante ans, la crise de la démocratie avec des taux records d'abstention, le phénomène de mondialisation avec en corollaire le phénomène migratoire:
250 000 nouveaux arrivants par an en France ( l'équivalent de la population de Bordeaux)150 000 nationalisations par an en France ( l'équivalent de la population de Grenoble)
Ces immigrés arrivent avec des coutumes différentes et l'Islam est maintenant la religion de 8 à 10% de la population française.
Enfin, la révolution est technologique: Internet, portable...
Ces changements sont en tel nombre et de telle nature qu'il n'est pas étonnant qu'ils entraînent des dysfonctionnements sociaux, dont voici juste quelques chiffres.
Ecole: 1/3 des enfants entrent en 6ème sans savoir lire correctement.
Violence: 500 violences gratuites par jour.
Travail: 6 Français sur 10 aimeraient travailler moins.
Famille: 1 couple sur 3 divorce. A Paris, c'est 1 sur 2. 1 enfant sur 3 ne vit qu'avec un seul de ses parents.
Religion: la moitié des Français de moins de 40 ans est sans religion. La moitié des Français est incapable d'expliquer ce qu'est la fête de Pâques.
Il y avait encore en 1960 un code commun qui était le résultat d'un compromis entre la morale catholique et la morale laïque ( cette dernière étant en fait la morale catholique, mais sans référence chrétienne). La révolution culturelle des années 60 a fait voler en éclats ce code commun car désormais l'individu est la valeur suprême : c'est la société qui doit quelque chose à l'individu et non plus l'inverse. Tout comportement devient de fait légitime du moment que l'individu le veut. Alors, un nouveau code est imposé qui peut être appelé le « moralement correct » dont les quatre piliers sont: les droits de l'homme érigés en valeur absolue, aux dépens de la notion de collectivité, le relativisme puique chacun a le droit de construire sa morale, le droit à la différence qui est exalté, la tolérance.
Ce nouveau code est la source de tous les dysfonctionnements déjà évoqués.
A l'école, on considère que l'enfant doit s'épanouir, la transmission des savoirs étant seconde. De plus, la culture est dévalorisée puisque tout se vaut : une pièce de Molière vaut une notice de machine à laver (des enfants en étudient, si, si!). Enfin, l'enfant doit être accepté comme il est, il n'est donc plus question de discipline.
Concernant la famille, les liens du mariage sont révocables, le concubinage est normalisé alors qu'il était frappé d'interdit il y a trente ans, l'homosexualité se justifie au nom du droit des homosexuels à la différence... Tous les repères ont sauté.
Le travail est dévalorisé depuis trente ans car la protection sociale fait d'une partie des Français des assistés, les trente-cinq heures ont été réclamées par certains syndicats au nom du droit au loisir...
Les vols et les violences se multiplient et les délinquants sont considérés comme des victimes dont la société doit comprendre le comportement "différent".
La crise des banlieues s'explique par la renonciation à l'assimilation, au nom du droit à la différence et du relativisme: les nouveaux arrivants ne doivent pas abandonner leur culture puisque toutes les cultures se valent.
Les conséquences du "nouveau code commun" sur les individus sont désastreuses: alors que prime l'individu, il pâtit de ce nouveau code. Beaucoup de gens sont déboussolés parce qu'ils n'ont pas de repère pour avoir une vision globale du monde. Ils se réfugient dans la drogue (1 jeune de 17 ans sur 2 a expérimenté le cannabis) ou la pornographie qui est une véritable autodestruction psychologique (beaucoup de jeunes de 13 ans avouent avoir déjà vu un film porno), voire se suicident ou sont dépressifs (8% des Français sont dépressifs; la France est le 2ème pays d'Europe consommateur de tranquillisants).
Les conséquences sur la société sont également désastreuses: toute revendication est légitime. Nous vivons dans une « démocratie compassionnelle » et la compassion est ponctuelle car les médias émeuvent les foules sur un problème (les sans-logis...), puis trois mois après ils changent de sujet. Cette compassion est artificielle et médiatique. Les conséquences des choix de vie de chacun portent sur toute la société (déséquilibre chez l'enfant d'un divorce...)
La liberté individuelle est exaltée mais la société est de plus en plus contraignante: la législation en France est inflationniste, il y a beaucoup de surveillance policière... Le paradoxe entre liberté individuelle exaltée et société contraignante n'est qu'apparent: en réalité, l'Etat est obligé de multiplier les règlements pour faire régner l'ordre puisque les citoyens n'ont plus de code moral commun.
Nous avons établi là le diagnostic de la maladie. Il est possible de guérir. Plusieurs signes sont encourageants:
-Les gens sont inquiets face à cette société, pour l'avenir de leurs enfants... La dernière campagne électorale a montré que les Français, qu'ils soient de droite ou de gauche, souhaitent un retour un code commun.
80% des Français veulent plus d'autorité à l'école.
74% des Français veulent plus d'autorité dans la famille.
70% des Français estiment que les valeurs traditionnelles françaises ne sont pas assez défendues.
80% des Français sont fiers d'être Français.
-L'évolution intellectuelle chez des gens liés aux médias est rassurante, par exemple celle d'Alain Finkelkraut qui affirme qu'une société où tout se vaut est une société qui se détruit: « Benoît XVI mène le bon combat quand il lutte contre le relativisme ».
-Il y a un grand vide idéologique aujourd'hui. Le droit de l'hommisme n'a pas une cohérence idéologique aussi forte que le marxisme auparavent. Il suffit de voir la dépolitisation des jeunes qui par exemple sur le CPE formulaient des revendications sans aucune cohérence politique.
-La nature humaine ne change pas malgré toutes les évolutions. Les besoins de l'homme restent les mêmes: l'homme a besoin d'autorité, de stabilité, de limites et d'identité. Rien n'est donc inéluctable. Nous pouvons reconstruire ce qui a été détruit. La société américaine ne connaît pas de crise de valeur, les Etats-Unis ont un système de valeurs patriotiques et religieuses. La modernité n'est donc pas incompatible avec le fait de vivre selon des valeurs.
-La société ne s'effondre pas malgré cette maladie car beaucoup de gens vivent encore selon le système de valeurs traditionnel.
La maladie est mentale, il faut donc soigner le mental, c'est-à-dire faire une réforme intellectuelle et morale en rétablissant l'autorité, en prônant la stabilité contre le « bougisme », en posant des limites, en affirmant notre identité française et en redonnant le goût de l'effort et le sens des responsabilités.
Nous sommes tous touchés par le moralement correct parce que c'est facile: « Je fais ce que je veux ». Nous avons la tentation de nous replier sur nous-mêmes sous prétexte qu'il y a cette maladie. Or il ne faut pas tomber dans ce piège et compter sur les autres. Dans cette guerre culturelle, il faut se former, être présent pour répondre, s'engager dans ce combat pour le gagner.
Il existe beaucoup d'instruments aujourd'hui pour lutter contre cette maladie: il y a des réseaux, des groupes de formation, des médias politiquement incorrects... toutes choses qui n'existaient pas dans les années 70.
Même si peu de gens luttent à contre-courant, il faut garder courage car quelques miligrammes de médicaments suffisent à soigner tout un corps malade. Nous sommes une force de contre-poison.
 
Une question a amené Jean Sévillia à préciser que tout le monde est victime de cette décomposition de la société; il n'y a pas de complot derrière; cette idéologie ne profite à personne; même s'il y a bien sûr des réseaux intellectuels qui ont construit le moralement correct, la source n'en est pas unique.
A la question de l'intérêt qu'il y aurait à réinstaurer le service militaire, Jean Sévillia a répondu: certes le service militaire permet le brassage des populations et l'inculcation de certaines valeurs, mais il ne faut pas idéaliser son rôle. Ce n'est pas le rôle de l'armée d'éduquer des jeunes mais celui de la famille puis de l'école (de même qu'il ne faut pas trop compter sur l'école pour éduquer des enfants en difficulté). De plus, il a évoqué les problèmes techniques: il n'y a plus de caserne, l'armée n'a pas un budget assez conséquent pour cela...
Jean Sévillia rappelle aussi à son auditoire qu'il faut jeter sa télévision !
Les Français la regardent en moyenne 4 heures par jour! Ils subissent ainsi un véritable lavage de cerveau à cause de la désinformation et aussi du fait que l'image produit des impressions et donc de l'émotion facile au lieu de s'adresser à l'intelligence.
EVH


  • Mercredi 28 novembre 2007, à 20 h 30, à Strasbourg, conférence organisée par Politique Magazine et la Nouvelle Revue universelle : "Morale et politique : un redressement pour la France". Grande salle du Munsterhof, 9 rue des Juifs, 67000 Strasbourg.

  • Mercredi 5 décembre 2007, à 20 h 30, à Nantes, conférence organisée par l'Institut nantais historique et littéraire : "Peut-on vivre sans valeurs communes ?". Salle Bretagne, 23 rue Villebois-Mareuil, 44000 Nantes.

Renseignements complets sur le site www.jeansevillia.com
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